le noir qui se mélange à l’eau sur la toile, l’aquarelle prend la forme des ombres qui l’habitent. Le pinceau frôle, les gestes sont sûrs, et pourtant l’eau rend la peinture imprévisible. Sofia se perd dans des toiles toujours sans couleurs, cherche la lumière à son obscurité. le dégoût évident devant la chaire animale qui trône, juste là, au centre de son assiette. Une chaire morte, autrefois vivante, vive. Sa main qui repousse son assiette et elle esquisse un sourire, gêné. Elle ne mangera pas le chaire d’un animal, elle se l’est refusé il y a de nombreuses années déjà. ses doigts qui tremblent sur le papier qu’elle vient retrouver derrière le canapé, comme une mauvaise nouvelle qui surgit à nouveau, comme autant de souvenirs douloureux qui la giflent, comme autant de choses qu’elle n’a jamais dites, qu’elle ne lui a jamais avoué, sa stérilité. sur sa carte d’identité c’est son nom de famille qui lui glace le sang. Parce qu’elle ne s’appelle plus McAleese, du nom du seul homme qui ait jamais touché son âme. Parce qu’elle s’appelle Teasdale, de nouveau. Du nom du seul homme qui ait jamais touché son corps au point d’y faire naître des ecchymoses. elle sent l’anneau sur son décolleté, l’or blanc qui lui brûle la peau de savoir que cette bague se tenait un jour à son annulaire gauche. Elle n’a jamais eu la force de s’en séparer, ni de le ranger dans un tiroir, comme fermant la porte sur la plus belle histoire qu’elle ait connu. Alors c’est au bout d’une chaîne en argent que l’anneau trône, frôlant parfois son coeur.