La journée avait pourtant si bien commencé. En ce dimanche, on pouvait se retrouver. Contrairement à son habitude, il est resté dans le lit, je me suis mise contre lui. Sa main caressait mon bras. Je pensais à beaucoup de choses, peut-être que lui aussi mais j'étais incapable de savoir de quoi. Doucement, je me suis redressée pour lui faire face. Je l'ai embrassé. Un long baiser. Cela faisait un moment qu'on n'avait pas pris le temps de s'embrasser comme ça mais ce matin, j'en avais envie et lui, peut-être qu'il était resté coucher en espérant qu'on recolle les morceaux. Mais tout dans le visage de mon mari me rappelle mon fils. Noah avait les même yeux et le même sourire. Si il n'était pas sortis de mon ventre on n'aurait pas pu dire que j'étais sa mère. Il avait tout de son père. Même en fermant les yeux, je vois toujours son visage. Alors je me redresse et stoppe tout contact avec lui. Il veut que je revienne contre lui mais je ne peux pas. La mort de notre fils m'empêche de toucher à nouveau son père. Je quitte la lit puis la chambre.
J'ai besoin de sortir, de voir autre chose que lui, que le visage de mon fils dans mon esprit. J'ai besoin de me ressourcer. Rapidement, je bois mon thé, je m'habille et je quitte la maison. Il m'a demandé si j'ai besoin qu'il m'accompagne, non, loin de là, je n'ai pas envie d'être avec lui.

Je gare la voiture sur un parking prévu à cet effet, je descend. Aujourd'hui, il ne fait pas froid, le soleil se cache quelques fois derrière les nuages. Je lève le nez vers le ciel et prend une grande inspiration. Je commence à marcher le long du fleuve, je me rappelle que j'adorais venir ici avec mes parents. Petite fille, j'espérais avoir une famille comme la notre, j'espérais que nous aussi on pourrait venir ici. On n'a pas eu le temps. Même si Noah avait quatre ans, on n'a pas eu le temps d'y aller tous ensemble. Même le dimanche je devais travailler, la boutique restait ouverte. Puis l'après-midi quand je rentrais, je retrouvais ma famille, j'étais heureuse et je ne voulais pas que l'on bouge, je voulais juste qu'on prenne le temps d'être ensemble.

Je m'assois dans l'herbe, regard fixe vers le fleuve, vers l'eau qui coule. Le bruit de cette eau m'a toujours détendue et ça me fait du bien, j'avais besoin de ne penser à rien le temps que quelques secondes. Juste quelques secondes car finalement je ne suis pas la seule à aimer cet endroit.